Antonio Beninca

Pour réaliser de belles courbes habitables, le voile de béton offre des solutions structurales, fonctionnelles et plastiques efficaces. Parmi les autoconstructeurs, devenus ensuite des professionnels du voile de béton, il faut faire une place particulière au sculpteur, Antonio Benincà. Nous lui avons demandé de nous retracer son itinéraire. (Extrait d’Habitat n°15)

Beninca chantier
Durant le chantier

Maisons coques : l’histoire

Tout a commencé par hasard. Mais qu’est-ce que le hasard ? J’ai appris, en 1976, qu’il y avait dans la Drôme un atelier de potier construit en voile de béton. Il avait été conçu par les architectes Claude et Pascal Hausermann qui utilisaient cette technique des coques dans les année 60/70. Je suis allé voir cet atelier. Ce fut un coup de foudre. Aujourd’hui encore, je ne sais pas vraiment pourquoi cette impression fut aussi forte. Il y avait sans doute le plaisir esthétique, la découverte d’une construction originale et celle d’une autre façon d’habiter. Mais il y avait probablement aussi d’autres motifs inconscients. En tout cas, j’ai imaginé tout ce que l’on pouvait tirer d’une pareille technique. Je l’ai abordé aussitôt.

Pour réaliser de belles courbes habitables, les voiles de béton et coques offrent des solutions structurales, fonctionnelles et plastiques efficaces. Parmi les auto constructeurs, devenus ensuite des professionnels du voile de béton, il faut faire une place particulière au sculpteur, Antonio Benincà. Nous lui avons demandé de nous retracer son itinéraire.

Une démarche de plasticien

Mon père était chef de chantier. Enfant, dès que j’ai pu marcher, j’ai traîné sur les constructions en cours. J’ai vu ce que l’on faisait avec le béton : des murs, des dalles, des linteaux, comme avec la pierre et le bois. On ne tirait pas complètement parti de la souplesse et des qualités plastique du matériau.

En 1968/69, j’ai eu deux grands professeurs de céramique aux Beaux-Arts ; Jean et Jacqueline Lerat. Ils m’ont appris à concevoir des volumes. J’ai ensuite mis en pratique la formation acquise, mais en changeant d’échelle, pour concevoir mon habitation. Car j’ai toujours pensé que je ferais une maison. Je l’ai donc imaginée comme un grand objet. C’est une démarche de plasticien, plus que d’architecte : concevoir un espace courbe pour y vivre.

Après la découverte de l’atelier de potier en voile de béton, j’ai éprouvé en 1977, un irrésistible besoin de commencer ma maison. Nous n’avions pas beaucoup d’argent. Nous avons décidé d’y consacrer l’équivalent d’un loyer, environ 30 000 francs chaque année, pendant dix ans. Au cours du chantier, des amis viendront nous aider, parce qu’ils en avaient envie. J’ai eu des coups de mains extraordinaires. Du point de vue relations humaines, ce fut une expérience très importante.

Beninca fenetres
Fenêtres de chambres donnant à l’est

Un voile autoportant et imperméable

Avant de commencer à construire, j’ai d’abord rassemblé le plus de documents possibles sur les techniques. Ce n’est pas très difficile. Le plus dur, c’est de choisir entre deux ou trois solutions dont il est difficile d’apprécier les avantages et les inconvénients.

Mon premier choix fut celui d’un voile de béton très performant, d’une technologie suffisamment poussée pour qu’il soit non seulement porteur, mais imperméable. C’est le dosage et la projection du micro-béton qui compte. Il faut l’outil et le savoir faire.

En ce qui concerne l’isolation thermique, nous n’avions pas les moyens financiers pour faire appel à une entreprise de projection de mousse de polyuréthane afin de revêtir l’extérieur de la coque. C’était le procédé le plus fréquemment utilisé. Nous avons décidé de faire l’isolation à l’intérieur en utilisant un autre procédé que nous pouvions mettre en œuvre nous-mêmes mais avec l’angoisse des chocs thermiques… L’été la température monte au moins à 60° à la surface du voile. Depuis plus de 10 ans, il n’a pas bougé, ou plutôt, il bouge comme il faut. Il est resté imperméable, tout en étant perméable à la vapeur d’eau. Il respire.

Benca rampe copie
Rampe d’accès à la mezzanine

Des choix sur le site et en cours de construction

Au stade de la conception, la maison a été implantée avec un souci bioclimatique en observant le lieu où, le matin, la gelée blanche disparaissait le plus vite, en choisissant de l’enterrer au nord, en orientant les fenêtres en fonction des solstices et des vents dominants.

Le travail sur le papier a été infime. Au lieu de prendre un crayon et d’essayer de transcrire les formes (ce qui est très difficile), il vaut mieux prendre un fer à béton de 12 mètres de longueur et quelques étais et le faire en grandeur réelle. En montant le ferraillage, on devine vite les formes. C’est une sorte de toile d’araignée, qu’il est possible de corriger, d’affiner, sur laquelle on positionne librement les ouvertures, jusqu’à la projection.

Sur les premiers plans, la sphère était coupée par des cloisons droites, probablement à cause d’un reste de timidité. Après l’observation des lieux, l’organisation de la maison a été repensée. Par exemple, on s’est aperçu qu’il était plus important d’avoir un rayon de soleil sur la table au petit déjeuner que de pouvoir avoir un accès rapide avec les provisions en venant de l’extérieur. Au départ, il y avait un escalier pour accéder à la mezzanine, il y a maintenant une rampe.

L’intéressant dans les formes à double courbure, c’est qu’elles sont légères et autoportantes. Notre maison doit peser 50 tonnes pour 200 m2 habitables. La résistance de ce type de formes est exceptionnelle : elle dépend moins de la quantité de matière utilisée que de son organisation dans l’espace. Elles offrent aussi un maximum de volume pour un minimum de surface de coque. Comparativement à un cube, à volume égal, la surface extérieure est inférieure d’un tiers. Ce qui est thermiquement bon. A l’intérieur, les convections se font naturellement : l’air redescend le long des parois courbes en se refroidissant progressivement.

A cause du système de construction, qui s’est imposé au cours des siècles, nous vivons actuellement sous le règne de la ligne droite. Les voiles offrent pourtant des solutions structurales, fonctionnelles et plastiques particulièrement bien adaptées. Dans l’aéronautique et la construction navale ou chez les êtres vivants (pensons aux coquillages, à la peau) les courbes sont considérées comme parfaitement normales. Pourquoi pas dans le bâtiment ?

Beninca integree
Maison intégrée dans le paysage

Voici quelques unes des constructions en voile de béton d’Antonio Benincà :

– Structure de 500 m2 pour la séparation d’une place et d’un jardin à Andrézieux- Bouthéon (Loire), architecture de l’Atelier de L’Entre, Saint-Étienne (1990).

– Habitation à Varages, projet d’architecture d’Hervé Reboulin (1991).

– Habitation de Marc Delacroix à Ecullieu (Loire) – (1992/93).

– Foyer des élèves au collège de Balbigny (Loire), architecture du Groupe Cimaise – Daniel Faisant (1993/94).

Voir la video

Nombreuses œuvres d’Antonio : une vidéo de Philippe Delage chez Antonio Beninca en février 2016.

https://www.youtube.com/watch?v=gUs24vfyNm8

Manège à oiseaux
Une mangeoire à oiseaux sur un mobile attire des mésanges (Antonio Beninca).

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