Antti Lovag : 68 ans en France

Lovag
Antti Lovag en 1981.

Il y a beaucoup de confusions concernant les origines d’Antti Lovag. Quel est son nom de famille ? Quelle est sa nationalité ? Les réponses sont souvent inexactes, même dans des institutions officielles. Antti Lovag lui-même n’a pas souvent clarifié les informations, bien au contraire parfois. Nous avons consulté plusieurs de ses proches et nous avons eu enfin des réponses concordantes.

Antti Lovag est né en Hongrie en 1920 d’un père russe et d’une mère finlandaise. Le droit du sang appliqué en Hongrie ne lui permettait pas d’avoir la nationalité hongroise. Lovag est un nom d’emprunt, adopté dans des circonstances difficiles et devenu celui de son identité officielle. Le prénom Antti est une variante de Anttal, devenu aussi Antoine en français. Son père se nomme Jacob Levinger, juif disparu dans la tourmente du nazisme. Sa mère Mielikki Rautavara, nom de jeune fille de la noblesse finlandaise, a disparu tragiquement quand Antti n’avait que 6 mois.

Les dénominations sont compliquées, Jacob Levinger a changé de nom après la révolution de 1917 en Russie et la montée de l’antisémitisme en Europe où il voyageait beaucoup : il a choisi de s’appeler Jean Koski, nom finlandais assez répandu. C’est ce nom de Koski que portera Antti jusqu’à la fin de la 2e guerre mondiale et sa venue en France où son identité sera désormais Antti Lovag.

Son parcours durant la guerre fut particulièrement mouvementé, ainsi qu’il l’a raconté. Après s’être engagé dans l’armée finlandaise, il a été prisonnier des allemands. Evadé, il a été incorporé dans l’aviation russe qu’il a abandonnée après la reddition de l’Allemagne. (lire aussi son interview par François Chaslin)

En France depuis l’âge de 26 ans et décédé à 94 ans, Antti Lovag a passé près de 68 ans dans ce pays.

Antti ans 50
Antti Lovag dans les années 50 (probablement). Son visage sera abîmé lors d’un accident de deltaplane dans les années 70.

Auparavant, il a suivi des cours d’architecture navale et de construction métallique à Stockholm. Il arrive à Paris en décembre 1946, où il suit des études d’architecture et d’urbanisme à l’Ecole des Beaux-Arts (avant la séparation de l’architecture en 1968).

Après des constructions en Savoie et diverses collaborations, en particuliers avec Jacques Couelle, il commence, à partir de 1968, sa première maison-bulles, la Maison Gaudet, à Tourrettes-sur-Loup. Elle sera inscrite en 1998  —après des interruptions de chantier— à l’Inventaire des monuments historiques.

Denise et Antti Lovag
Denise et Antti Lovag (Photo communiquée par leur fille Briguitta).

Il utilise la technique dite du voile de béton ou ferrociment. Du micro-béton est projeté sur un ferraillage donnant la forme de la maison. Il expérimente aussi d’autres procédés de construction.

A partir de 1971, il  perfectionne la technique du voile de béton avec l’emploi de gabarits  en construisant  à Port-la-Galère, commune de Théoule-sur-Mer, une importante villa pour la famille  d’un patron d’entreprises, Pierre Bernard.

Antti Lovag Photo de Britton Logan
Dans les années 70. (Photo Britton Logan)

De 1975 à 1991, il construit à L’Esquillon, commune de Théoule-sur-Mer, —toujours pour Pierre Bernard— le Palais Bulles  qui sera acheté en 1992 par le couturier Pierre Cardin. Celui-ci y ajoutera un théâtre et de la décoration intérieure commandée à des artistes.

La villa Roux à Fontaines-sur-Saône, construite de 1985 à 1991, rassemble ses conceptions depuis le gros œuvre jusqu’à l’aménagement intérieur, avec en particulier une coque ouvrante et des meubles à éléments mobiles. Elle a été « inscrite en totalité au titre des monuments historiques » en janvier 2017.

Dans les années 2000, il termine avec les nouveaux propriétaires la villa Gaudet, acquise par Tom et Jo Bloxham. Ce sera l’un des plus longs chantiers d’Antti Lovag.

Sur la Côte d’Azur, Antti Lovag signe également plusieurs bâtiments publics, comme la « Maison des Jeunes Picaud » à Cannes, le complexe astronomique du collège Valeri de Nice, le complexe ludique du collège de l’Estérel à Saint-Raphaël et des bureaux à l’observatoire astronomique de la Côte d’Azur, à Caussols (Alpes-Maritimes).

L’équipe du chantier de Tourrette-sur-Loup, dans les années 80. En haut de gauche à droite : Henri Gaïde, Gilbert Alione, Romain Nazari, Louis Durante. En bas de g à d : Patrick Deron , Christophe Gaïde, Gérard, Cresp, Joseph Blagnac, Pierre Raffaihac.

Deux coques expérimentales de techniques différentes ont été réalisées par Antti Lovag au CEREMA (ex Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement, CETE Méditerranée) aux Milles, près d’Aix-en-Provence, dans les années 80.  L’une est en voile de béton avec ferraillage de poutres et l’autre en éléments préfabriqués de polystyrène et mortier avec fibres de verre alcali-résistantes.

A Imperia (Italie), des coques en voile de béton sont réalisées en 1998, au Bungalow Park de Michael et Suzanna Kramer, au cours d’un stage d’étudiants et d’amateurs français en architecture.

Un créateur important

Antti Lovag est décédé le samedi 27 septembre 2014 à son domicile de Tourrettes-sur-Loup (Alpes-Maritimes). Sa disparition a fait l’objet de nombreuses publications dans la presse, ainsi qu’une déclaration de Fleur Pèlerin, ministre de la culture.

Ses conceptions sont méconnues du grand public. Il s’est essentiellement exprimé par ses constructions, au cours de stages de formation, lors de quelques prises de parole en public, dans des interviews et avec ses clients.  Ses idées ont fait l’objet de présentations incomplètes (en dehors du bulletin Habitat) avec des catalogues de formes restreintes et une narration de sa vie sur le mode hagiographique. Les répercussions de ses œuvres dépassent la portée de simples créations individuelles.

Sa famille :

• Denise Lovag, son épouse
• Rémy Lovag
• Sven Lovag
• Briguitta Lovag. Un récit : « L’homme qui venait d’ailleurs »
• Numa Lovag-Cuisin, un site aventurebulle.

Ses proches :

• Marie-Claude Cuisin
• Josiane William

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– Antti Lovag : interview sur France Culture

– Plusieurs vidéos

– L’une des meilleures vidéos

sous-titrée en français et sous-titrée en anglais, réalisée par le journaliste allemand, Wolfgang Ebert, a été tournée avec d’importants moyens techniques en 1981. Les vues d’extérieur et d’intérieur sont réalisées à la villa Bernard, à Port-la-Galère, commune de Théoule-sur-Mer. Les images de chantier sont faites, pour la plupart, au Palais Bulles, alors en construction à L’Esquillon, sur la même commune. Antti Lovag s’y exprime, assez clairement pour l’époque, sur ses conceptions.

D’autre vidéos sont diffusées par Numa Lovag-Cuisin, celle-ci et celle-là. Très intéressantes, car elles donnent la parole à Antti Lovag et montrent les grandes villas qu’il a conçues.  Mais,  comme souvent dans les reportages,  il y a des erreurs dans le commentaire sur les origines d’Antti Lovag ou sur l’interprétation de ses constructions.

Voir aussi la page Facebook Aventure Bulle Pour Tous de Numa et Mélanie Cuisin-Lovag et leur site Aventure maison bulle.

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Derniers projets
Extrait d’images 3D parmi les dernières études de maison par Antti Lovag avec Pierre Colleu. Celui-ci précise : « Constructions personnalisées à partir de modules standards par Antti Lovag. »

Ceux qui disposent du financement nécessaire à ce projet en 3D devraient se bousculer pour le réaliser. Que vaut le plus coté des tableaux face à une œuvre de cette ampleur, écrin et cocon de la vie?

– Dernier projet d’Antti Lovag avec la collaboration de Pierre Colleu et Numa Lovag-Cuisin à découvrir ici 

Galerie bulle 2

Galerie bulle 3
Projet d’Antti Lovag

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